Pablo Neruda - Ouvriers de la mer
A Valparaiso, les travailleurs de la mer qui m'invitèrent étaient petits et durs,
et leurs visages tannés étaient la géographie
du Pacifique : ils étaient un courant
dans l'eau imense, une vague de muscles,
une gerbe d'ailes marines dans la tempête.
Il était beau de les voir tels des petits dieux de pauvreté,
à demi nus et mal nourris, il était beau
de les voir lutter et vibrer avec d'autres hommes au-delà de l'océan,
avec d'autres homes d'autres ports de misère, et de les entendre,
c'était la même langue, espagnole et chinoise,
c'était la langue de Baltimore et de Kronstadt.
Quand ils ont chanté L'Internationale j'ai chanté avec eux :
un hymne montait de mon coeur, je voulus dire : "Camarades",
Mais ce qui vint fut la tendresse qui me faisait chant
et qui allait avec son chant de ma bouche à la mer.
Ils me reconnaissaient, ils me saluaient de leurs regards puissants
sans rien me dire, ils me regardaient et chantaient.